Comme je vous le disais dans l'article précédent, il y a une soixantaine d'enfants de 6 à 20 ans qui se rendent chaque jour au CMPP de Bé. Certains sont autistes, d'autres psychotiques, ou encore trisomiques, et avec une sur-représentation des enfants atteints d'infirmité motrice cérébrale. Cela tient en partie du manque de moyen dans les CMS où la plupart des accouchements ont lieux. En effet on a remarqué ici récemment que dans certains quartiers où les accouchement avaient lieux au chalumeau, sans électricité, une surpopulation des enfants handicapés de 0 à 10 ans était présente: tous avaient manquaient d'oxygène à la naissance.
Tous les matins les enfants se rangent par groupe. Ils chantent l'hymne Togolais, et rentrent en classe sur un rythme militaire, un vrai rituel. |
l'heure de la bouillie! |
De la sieste! |
Aujourd'hui au centre il y a deux éducateurs qui se répartissent le groupe d'enfants. 25 chez les plus petits, 35 chez les plus grands. Cette prise en charge en "surnombre" pousse les jeunes à l'autonomie et à l'entraide. Ainsi, alors qu'il n'y a pas d'agent au ménage, à la vaisselle, au service..., ce sont les plus grands, aidés des plus petits parfois, qui se chargent des tâches du quotidien. A leur tour, les plus petits sont pris en charge par les plus grands lorsqu'ils ne sont pas encore propres, capables de manger seuls...Biensûr tout n'est pas parfait et souvent les actes de violences sont présents, les injustices aussi. Mais on ne peut tout voir à 2.
quelques grands attendent pour servir les plus petits |
L'autre côté du "surnombre", moins positif, est que la prise en charge qui souvent "devrait" être individuelle, ne peut l'être. La mise en place d'activités même de groupe est souvent impossible, tellement le groupe est hétérogène et le personnel réduit. Donc les séances bien souvent se transforment en gardiennage pur et simple, où chacun est prié, à la baguette, de rester assis et de ne pas trop embêter les autres. Comment se positionner professionnellement dans de telles conditions?
Au début j'ai du mal à ne pas me sentir frustré dans ce trop de "laisser faire", qui ressemble plus à du "rien faire" avec obligation forcée de ne pas bouger. Je me réfugie alors dans le "vivre avec", le "rien faire avec"!
Lorsque je suis arrivé le premier jour, Agathe la directrice me prévenait d'emblée que l'utilisation du bâton allait peut-être me choquer, "toi européen". Et bien elle avait raison. Mais pour autant il est facile parfois, lorsque 30 gamins parlant une autre langue, courent et crient sans interruption, se frappent, se roulent par terre, de prendre le parti du bâton, de faire régner par la douleur et la peur. Mais on s'y refuse aussitôt, et on se dit qu'on vivra mieux une lutte acharnée, sans fin et plus trop d'espoir, plutôt que ça.
Corneille, éducateur sur le groupe des grands, et Préname, une volontaire étudiante. |
Six enfants de notre groupe ne mangent pas seuls, une quinzaine aurait besoin d'un éducateur pour un enfant. Nous sommes deux. Deux à leur courir après, à refermer les portes, à les empêcher de se frapper, de s'assommer. Deux à nous faire mordre, griffer, taper et cracher dessus. Deux à y croire, à mette en place des activités, que parfois un ou deux va saisir.
Préname, Mireille, psychologue en fin d'étude et en stage au CMPP, et Agathe. |
Le CMPP est ouvert de 7h00 jusqu'à 15h00, ou 12h00 les mercredi et vendredi. Mais la journée des éducateurs s'arrête bien au delà, parfois jusqu'à 20h00 car les parents "oublient" régulièrement de venir chercher leurs enfants. cela arrive chaque jour malgré les sanctions, les renvois. Car le CMPP de Bé reçoit particulièrement les enfants de familles les plus démunies, les moins averties en matière de handicap, et les plus dures à associer à la prise en charge. Des rencontres avec les parents devraient être organisées d'ici peu, afin de les sensibiliser au handicap de leurs enfants, de les aider dans l'accompagnement du quotidien.
Vous avez bien-sûr le droit de réagir, j’attends même un peu de vos réactions! à bientôt